Un billet précédent a expliqué comment utiliser un tableur pour suivre des activités de prises de paroles négociées en groupes. Le but est ici d’inciter les élèves à élaborer collaborativement des réponses, et à prendre davantage la parole.
Je propose une version incluant le suivi de compétences. Le but est d’inciter les élèves à mettre en œuvre certaines compétences utiles dans l’apprentissage. Le tableur permet de de demander et de valoriser les compétences voulues dans les prises de parole.
Dans le cas de cours de philosophie, par exemple, j’attends que les prises de paroles comportent du questionnement, de l’argumentation, de la précision conceptuelle et des références à la culture philosophique et générale. Le tableur permet aussi de visualiser ces compétences par des badges ou des pictogrammes.
J’ai présenté dans un billet précédent le dispositif de travail en « îlots bonifiés ». Je découvre à présent avec plaisir que cette organisation me permet aussi d’utiliser plus facilement les appareils nomades à disposition des élèves. Travailler en groupes permet de mieux mobiliser les outils nomades disponibles.
Quel usage du numérique avec un équipement inégal ?
En effet, mon établissement n’ayant pas de programme du type « Un élève, un ordinateur », il est rare que chacun de mes élèves ait à sa disposition un appareil numérique (smartphone, tablette, ordinateur portable). Cette inégalité d’équipement m’empêche parfois de réaliser certaines tâches numériques.
« Un élève groupe, un ordinateur »
Or, dans une organisation en groupes il n’est pas besoin que chaque élève dispose d’un appareil connecté. Un seul appareil suffira pour que chaque groupe saisisse et communique sa réponse. De même, un seul appareil suffira à chaque groupe pour faire une éventuelle recherche d’information ou une autre tâche numérique.
Socrative, efficace outil pédagogique
De fait, j’utilise volontiers l’application en ligne et mobile Socrative, qui me permet de poser des questions aux groupes (questions fermées et à choix multiples ou questions ouvertes), avec une console de suivi.
Pour chaque question, les élèves de chaque groupe décident ensemble de la bonne réponse à donner. L’élève en possession d’un terminal mobile connecté saisit alors la réponse au nom du groupe.
La pratique de l’enseignement mixte ou hybride (dans l’espace de la classe et dans l’espace numérique) fait réfléchir à la spécificité des activités ne pouvant avoir lieu que dans la salle de classe. La question est : que pouvons-nous faire à plusieurs dans une salle de classe et que nous ne pourrions pas faire ailleurs ?
Peut-on vraiment travailler en groupe ?
Une première réponse est bien entendu le face-à-face pédagogique entre un enseignant et un groupe. Une seconde réponse est la possibilité de travaux de groupes. Mais de tels travaux sont difficiles à mettre en œuvre. Un billet mordant de Mara Goyet (et ses nombreux commentaires) rappelle cette difficulté, pour l’enseignant comme pour les élèves. Marie Rivoire, enseignante, témoigne aussi de cette difficulté typique :
J’avais […] commencé ma carrière en mettant les élèves par îlots de quatre […]. Cependant, j’avais dû renoncer, car la gestion du groupe me posait plus de problèmes qu’elle n’en solutionnait. Certes, les élèves étaient ravis, mais comment contrôler les bavardages ? Comment être sûre que tous, à la table, participaient au travail commun ? Le meilleur élève n’allait-il pas être sollicité encore et encore pour prendre en charge les tâches données par le professeur ? N’allait-il pas finir par se lasser, et finalement, perdre de son enthousiasme au lieu d’en gagner ? Et comment alors évaluer les élèves à la table ? Toutes ces questions sans réponses avaient eu raison de mon bel idéalisme.
À l’invitation l’édition 2015 du REFER (Rendez-vous des écoles francophones en réseau) et plus spécialement de Monique Lachance (@lacmonique) et de Nathalie Couzon (@nathcouz), la réflexion a été engagée sur le thème “Le numérique à l’école : entre humanisme et utilitarisme”.
Des élèves de mes cours de philosophie (niveau première) se sont lancés dans des projets collaboratifs avec des camarades de France et du Québec (voir “Rendez-vous transatlantique avec Michel Serres et le Refer”, par Jean-Michel Le Baut, — qui alui-même participé activement avec ses élèves). Plusieurs projets ont été menés.
1) Un travail d’écriture multimédia autour de Petite Poucette, le récent essai de Michel Serres consacré aux mutations de notre monde. Les productions des élèves (textes, vidéos, cartographie, animations…) sont venues enrichir l’ouvrage du philosophe, au moyen d’une publication en réalité augmentée (visualisable via les smartphones, application Aurasma).
2) Des débats ont été organisés entre quelques élèves de l’Ecole européenne Bruxelles I et de l’École secondaire Cardinal-Roy (Québec), en collaboration avec l’excellente Annie Turbide (@aturbide).
Quatre affirmations ont été mises en débat : “Avec Internet, plus besoin d’aller à l’école“, “Aujourd’hui, apprendre par cœur est inutile”, “Avec les réseaux sociaux, on n’est plus jamais seul”, “Internet rend l’humanité plus tolérante”.
En équipes de deux — hors des heures de cours —, les élèves ont préparé leurs argumentaires (en communiquant par Skype et Facebook et en élaborant des cartes d’idées collaboratives). Les débats ont eu lieu en visioconférences — pour les miens, durant les vacances de février ! Ils ont donné lieu à des rencontres et à des échanges très stimulants.
3) Deux discussions ont été enfin organisées entre des équipes mixtes belgo-québécoises et le philosophie Michel Serres lui-même, très merveilleusement disponible. Après avoir préparé collaborativement leurs argumentaires, les équipes mixtes d’élèves ont échangé en visioconférence avec Michel Serres (présent depuis la France). L’évènement a été transmis le 18 mars en webdiffusion, dans le cadre du colloque du REFER (Montréal).
Je remercie mes collègues canadiens et français pour leur joyeuse énergie, et surtout les élèves qui se sont lancés avec enthousiasme dans cette aventure, conjuguant leur intelligence et leur créativité pour inventer l’école d’aujourd’hui, pour explorer ou inventer de nouveaux territoires pédagogiques.
“Espace de circulation, oralité diffuse, mouvements libres, fin des classes classifiées, distributions disparates, sérendipité de l’invention, vitesse de la lumière, nouveauté des sujets aussi bien que des objets, recherche d’une autre raison… : la diffusion du savoir ne peut plus avoir lieu dans aucun des campus du monde, eux-mêmes ordonnés, formatés page à page, rationnels à l’ancienne, imitant les camps de l’armée romaine. Voilà l’espace de pensée où habite, corps et âme, depuis ce matin, la jeunesse de Petite Poucette.” Michel Serres
Voici le résultat d’une activité stimulante. J’ai donné un cours identique dans trois classes différentes, et des élèves ont pris des notes numériques via twitter (chaque classe utilise son hashtag propre).
J’ai ensuite élaboré une synthèse avec l’outil Storify, qui m’a permis de sélectionner les meilleurs messages (tweets) des élèves et de les rassembler dans le même document, en plus d’autres éléments.
Un bon exemple de technologies facilitant la collaboration entre différentes classes.
Je pratique depuis 2009 la prise de note coopérative du cours de philosophie.
A presque chaque séance du cours, un élève est nommé “secrétaire” : il veillera à la publication des notes du cours de philosophie.
Ce travail se fait avec en ligne. L’outil principalement utilisé est Google Docs, qui présente de puissantes fonctions de collaboration (commentaires de type « forum » sur toute partie du texte, historique des révisions, clavardage) et de publication.
Quelles sont les finalités et les avantages d’une telle pratique ? Je reproduis ici l’analyse de Cédric RIDEL, qui enseigne au Lycée français International Marguerite Duras (VIÊT NAM), et qui incite aussi à la prise de notes collaborative (mais plutôt en synchrone).
Les finalités du document [final] sont alors multiples :
avoir une référence pour corriger sa propre prise de note sur son cahier
avoir une base pour construire des fiches de révision, manuscrites ou numériques
l’imprimer pour avoir un cours complet
réviser la leçon à la maison
réviser la leçon sur un support mobile comme un ordinateur portable ou un smartphone (cette dernière idée est encore en test).
C’est aussi intéressant pour les élèves absents :
pour suivre le déroulement du cours en direct s’ils peuvent se connecter
Le tourbillonnant Christophe Batier, en visite à Bruxelles, m’a fait le plaisir d’une visite dans ma salle de classe. L’occasion pour moi de lui expliquer quelques unes de mes pratiques actuelles.
« J’ai rendu visite à François dans sa salle de classe et on a fait le tour des différents outils qu’il utilise dans sa classe avec ces étudiants, des astuces, de l’investissement, de la bidouille…
Tout un ecosystème qui générateur d’un « plaisir d’enseigner » qui passe bien dans ce petit podacst… »